Et si les influenceurs TikTok étaient responsables de la hausse des attaques de requins ?
À l'ère des réseaux sociaux, où tout est motif à selfie ou vidéo virale, la tendance à se filmer avec les requins en quête de "buzz" prend des proportions inattendues et inquiétantes.

La quête d'adrénaline : au détriment de la sécurité humaine et animale
Dans les profondeurs des océans, une interaction virale peut rapidement tourner au drame. Une journaliste américaine de Fast Company a récemment mis en lumière un épisode tragique : une touriste, en quête de la photo parfaite, a perdu ses deux mains après avoir surpris un requin-bouledogue. Ce comportement n'est pas un cas isolé ; de nombreux plongeurs et touristes imitent ces mises en scène, encouragés par des influenceurs aux millions d'abonnés.
Éric Clua, docteur en biologie marine, souligne que ces actes, loin d'être inoffensifs, sont souvent perçus par les requins comme des agressions. Il déclare au Times : « Caresser un requin, c'est prendre le risque de voir sa main finir dans sa mâchoire ». Les statistiques soutiennent cette affirmation : en Polynésie française, 5% des 74 morsures recensées sur une période déterminée sont liées à ce type d'interaction.
Les influences nocives sur les réseaux
Certaines personnalités, tels qu'Ocean Ramsey, amplifient cette mode en publiant des vidéos de plongée avec des squales, normalisant une interaction dangereuse. Déjà, plusieurs célébrités hollywoodiennes ont participé à ce phénomène, figurant auprès de ces prédateurs lors de tournages ou promotions. Selon le biologiste David Shiffman, rapporte le Washington Post : « S'accrocher à la nageoire d'un prédateur de cinq mètres est aberrant d'un point de vue sécuritaire ».
Une méconnaissance fatale des espèces
Les réseaux sociaux diffusent souvent une image erronée des requins, les transformant en animaux de compagnie des mers prêts à poser pour une photo. Pourtant, la distinction entre espèces inoffensives et dangereuses est rarement faite. Comme l'a noté Éric Clua, le public, trompé par les images idéalisées, peut ignorer la différence entre un requin-citron et un requin-bouledogue, dont les comportements divergent radicalement.
Les impacts ignorés sur les requins
Les conséquences de cette pratique ne se limitent pas aux risques encourus par les humains. Les requins sont eux aussi affectés par ces rencontres intrusives. En effet, lorsque les réseaux sociaux renvoient une image déformée du prédateur, cela entraîne des comportements humains inappropriés qui perturbent leur habitat naturel.
- Ecosystèmes perturbés et comportements modifiés par des contacts réguliers avec les humains. Un stress animal qui peut entraîner une agressivité accrue.
- Changement de perception publique. Les requins sont présentés soit comme des "peluches" marines, soit comme des objets de peur irrationnelle.
- Les pratiques touristiques déresponsabilisent les nageurs qui oublient l'état sauvage et imprévisible du milieu marin.
Cette transformation de la perception peut fausser les efforts de conservation en aggravant les conflits entre humains et animaux. C'est aussi ce qu'affirme l'étude dans Frontiers in Conservation Science, soulignant l'importance d'une interaction respectueuse pour le bien-être des requins.
Bannir la mauvaise influence et éduquer sur les bonnes pratiques
Le défi consiste à redéfinir cette tendance malheureuse en éduquant les populations pour favoriser des interactions plus respectueuses avec les requins et la nature en général. Les campagnes de sensibilisation commencent à émerger pour garantir que chaque immersion en mer devienne une expérience authentique et respectueuse de l'environnement. Le changement de comportement est essentiel pour préserver la biodiversité marine et minimiser les interactions risquées.
En parallèle, des restrictions plus strictes sur ce type de contenu sur les réseaux sociaux pourraient contribuer à un regain de prudence face aux prédateurs marins. Les influenceurs eux-mêmes pourraient être mis à contribution en promouvant des pratiques responsables. L'idée n'est pas d'éviter les aventures maritimes, mais de les mener avec respect, intelligence et véritable compréhension des enjeux environnementaux.
De l'égo à la responsabilité collective
Les eaux troubles des réseaux sociaux peuvent être des sources d'intoxication pour les aventuriers en quête de sensations. Pourtant, au-delà des like et des partages, c'est notre rapport à la nature et à sa faune qui doit devenir prioritaire. Mettre en lumière les dangers, pourtant évitables, offre aux aventuriers un rappel crucial : comprendre la nature est le premier pas vers sa préservation.
En adoptant cette perspective, nous pourrions transformer la fascination numérique en acte de conservation, garantissant que les océans demeurent un sanctuaire à explorer, non à exploiter. C'est en conjuguant fascination et prudence que nous pourrons pérenniser nos interactions avec les mystères du monde marin. À nous, désormais, de plonger avec discernement.